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les écrits fantasmagoriques
28 janvier 2022

Transylvanie express (9)

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Au moment de réaliser que je n’entendais plus le train, je compris que j’étais dans un rêve. Dès lors, l’angoisse de me retrouver dans l’impossibilité de bouger disparut brutalement. J’observai du coin de l’œil, à l’image des automates vénitiennes, la jeune femme qui se déplaçait autour de moi. Je ne voyais rien de son visage caché par un voile entièrement blanc, aussi blanc que les murs qui nous encerclaient. Elle approcha avec, dans les mains, ce que je devinai être des bougies allumées. Dès lors, la terreur revint lorsqu’elle suspendit les cierges au-dessus de moi. Je partis, malgré ma paralysie, dans une violente torpeur. Je voulus me lever, l’empêcher de faire ce qu’elle faisait et surtout, de me débarrasser de ces bougies qui voltigeaient au-dessus de la tête. Lentement, elles penchèrent et laissèrent couler, en goutte à goutte, leur cire sur mon visage.

Comme une prière, je repensai à Ludmilla. A ce moment, le voile de la femme se dissipa petit à petit et le minois de ma bien-aimée apparut, apportant en même temps l’assurance qui me manquait tant. Je ne ressentais plus les brûlures sur mon front, ni la peur de ne plus être dans la capacité de bouger. Je me sentais hyper bien, malgré une soudaine douleur au bras gauche. Un engourdissement qui commençait aussi à peser sur mon torse. Ensuite, le bruit du train revint, annonçant mon réveil.

Le jour était bien avancé, cependant, nous restions dans l’obscurité car j’avais fermé le rideau… par intimité. Ludmilla demeurait allongée contre moi, la tête posée sur ma poitrine, les jambes recouvertes par le drap. Je bougeai mon bras gauche coincé entre le matelas et son corps. Pour enlever la sensation de fourmis, je remuai les doigts, tout en essayant de ne pas la réveiller. Cependant, elle caressa mon ventre en passant ses ongles entre les poils.

-          Bien dormi ? demanda-t-elle.

-          Oui, répondis-je en baillant. Et toi ? Je viens de te réveiller ?

-          Non, je ne dors plus depuis un bon bout de temps.

-          Et tu n’es pas repartie dans ta cabine ?

-          J’avais envie d’écouter ton cœur, répondit-elle.

Depuis, trois jours que nous nous fréquentions, nous ne parlâmes pas de son mari qui restait enfermé dans leur compartiment. Je crus le voir quand nous arrivâmes en gare de Graz. Ludmilla eut une longue discussion avec un homme. Mais, je compris qu’il ne s’agissait pas de lui. Pourtant, il avait l’air agacé, voire exigeant.

Elle se leva brusquement pour se diriger dans le cabinet de toilettes. Elle n’avait gardé que ses bas blancs. Je regardai ses fesses roses, j’avais envie de les croquer. Elle ferma la porte ; de l’eau coula, et quelques minutes plus tard, elle sortit habillée de sa robe longue et d’un chemisier blanc. Elle enfila une veste, remonta le rideau de la fenêtre, jeta un regard triste dehors. Puis, elle me rejoignit pour un long et tendre baiser avant de m’abandonner en fermant doucement la porte.

La locomotive siffla demandant son retour près de moi. Déjà, elle me manquait alors qu’elle était juste à côté. J’écoutai tant bien que mal ses pas dans le couloir, une porte claquer brutalement, et des phrases prononcées par des voix étouffées, à cause de la cloison. Il avait une voix grave. Celle de Ludmilla était plus douce, pourtant, elle haussa le ton. Il répondit aussi violemment. Je me redressai afin de mieux porter attention à leur engueulade. J’imaginai les mots employés, les réflexions de sa part envers sa femme volage. Je devinai le sens de leurs cris qui, parfois étaient en français, parfois en tchèque ou en allemand. Puis, le silence mit un terme à la dispute.

Le train roula lentement après un coup de frein qui, ouvrit la porte de ce qui servait de salle de bain. Le reflet de la fenêtre dans le miroir éclaira un peu plus la cabine. Je me levai, j’hésitai à me laver et faire disparaitre son parfum de vanille et fleur d’oranger qui, collait encore à ma peau. Alors, de nouveau, je m’allongeai et repensai à Ludmilla, à ces moments ensemble. Je ressentais ses baisers, ses caresses sur chaque partie de mon corps, le frôlement de ses doigts sur mon torse ou mon dos. Son souffle s’était gravé dans mon esprit. Je la revoyais, recoiffer ses longs cheveux en chignon après l’amour. J’avais en bouche le goût de ses lèvres, de son sexe et de ses seins. Je revoyais son sourire, le désir dans ses yeux marron. J’écoutais le plaisir dans son rire, son cri retenu pendant ses jouissances. Et mon bras était toujours endolori, soutenant encore le poids de sa tête durant son sommeil.

Je végétai à me souvenir. Mais voyant l’heure sur ma montre à gousset. Je me précipitai dans la salle d’eau pour me laver. Bientôt le repas et la joie de la revoir, parce qu’elle mangeait toujours sans son mari… toujours avec moi ! La pièce restait sommaire : Une douche, un bidet pour les besoins, un lavabo. L’ensemble était si proche qu’on pouvait chier tout en se rasant ou prendre une douche assis.  Ou carrément, se raser en prenant une douche tout en se soulageant.

Avec ce climat sans soleil et toujours brumeux, je ne portai pas attention à la pénombre qui envahit la chambre. Par contre, je remarquai dans le miroir, le changement soudain de l’ambiance, dessinant le reflet d’une ombre noire. De plus, lorsque j’éteignis la douche, je constatai une énorme différence entre l’eau chaude dont je pus profiter et l’air glacial de la cabine. Pourtant la fenêtre était bien fermée. J’essuyai mon corps au plus vite pour m’habiller chaudement. A ce moment, j’entendis un son étrange provenant de la salle de bain.

C’était un raclement, une sorte de grognement d’oiseau. Quelle fut ma torpeur que de découvrir dans le miroir le portrait de la jeune femme de mon rêve. Elle portait le même voile qui cachait son visage. Elle tenait dans les mains des cierges allumés. Tel un tableau, elle ne bougeait pas. Pourtant, en approchant, mes mouvements provoquèrent un déplacement des flammes. J’observai avec insistance cette personne, me demandant si je rêvai toujours ou pas. Même si elle ne bougeait pas, je restai persuadé qu’elle me fixait de son regard caché par l’étoffe.

Le décor derrière elle ne m’était pas connu. Je sentis mon cœur battre, espérant qu’elle ne m’attaquerait pas. Toutefois, je restai à bonne distance, prêt à reculer et fermer la porte si elle bondissait. Pendant ce temps, le train roulait toujours lentement. Je ne réagis pas en entendant Ludmilla discuter avec son époux.

Tout à coup, le reflet posa l’index gauche contre sa bouche. Puis, doucement, elle releva la tête. Je restai abasourdi en découvrant le visage de Ludmilla. Elle ne souriait pas. Ses yeux, plus noirs que d’habitude, effrayèrent par la taille énorme de leurs pupilles. Elles étaient dilatées au point recouvrir entièrement l’œil. Elle mordilla lentement le bord de la lèvre inférieure, montrant involontairement une canine plus longue que d’ordinaire. Le feu de la bougie dansait, tandis que le vacarme du train prit de l’ampleur. Dans la cabine voisine, une voix inconnue résonna. Ludmilla affirma:

-          Ich bin es leid, dir zu gefallen!

-          Du bist bei mir, um mich glücklich zu machen! Répondit son homme.

Son soupir se confondit avec celui du miroir. Le reflet ferma les yeux et ouvrit la bouche comme pour rire, affichant plusieurs dents longues et aiguisées. Sa main sortit presque de la glace. Je commençai à ressentir mon ventre s’imprégner de peur. J’hésitai à fuir ou me jeter sur le miroir pour l’exploser.

-          Gute hündin ! marmonna quelqu’un derrière le mur.

Les flammes du miroir grossirent brusquement, le sosie de Ludmilla disparut derrière un voile jaune, puis, la glace fondit pour laisser place à une énorme tache noire. Une fumée sortit de ce qui restait du miroir et commença à recouvrir la salle de bain de suie. Dès, lors, j’intervins en projetant de l’eau sur le mur et le miroir, à l’aide du tuyau de douche. Dans la cabine de mon amie, seuls les deux hommes parlaient et riaient.

Curieusement, lorsque je déclarai l’accident, le service de nettoyage vint remplacer le miroir comme si tout cela était normal.

Alex@r60 – janvier 2022

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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