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les écrits fantasmagoriques
5 juin 2022

Transylvanie express (26)

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Le hall du palace était rempli de monde. Les clients discutaient en formant différents groupes. Certains étaient assis dans le grand salon, attendant d’être servis par un domestique qui n’arrivaient pas. Ils parlaient créant un énorme brouhaha. Pourtant, aucun ne bougeait. Ils ne remuaient même pas les lèvres. Seuls leurs yeux me suivaient du regard. Je marchai, complètement trempé, au milieu de ces mini-attroupements de pantins. Je cherchai à rentrer au plus vite. J’allai grimper les escaliers lorsque le concierge du moment m’interpela. Dès lors je le rejoignis en passant près d’une banquette sur laquelle un homme à la peau cirée était assis. Il ne leva pas la tête, gardant les bras le long de son corps. Toutefois, son veston remua, laissant penser qu’il protégeait un petit animal.

- Votre diligence est arrivée, annonça le domestique. Elle sera prête à partir demain matin.

- Très bien, répondis-je.

- Vous allez bien ?

Il était le seul à ne pas ressembler à une statue de cire. Il m’observa vivement, inquiet par la pâleur de mon visage. En fait, je me sentais fatigué. J’avais chaud et voulais me changer pour me reposer. Le ventre du client assis remua de plus en plus. L’animal domestique sembla long et rond. Je répondis au domestique par un sourire et un hochement de tête.

- Madame Jezikova est partie, il y a une petite demi-heure avec ses bagages, ajouta-t-il.

Mes tripes répondirent silencieusement ; Comme si un couteau venait de les transpercer. Cependant, je n’étais pas surpris. C’était mieux ainsi.

En passant devant l’homme assis dans le canapé, je remarquai son ventre gigoter. Quelque-chose sorti doucement de sa chemise. Cela avait la forme d’un tentacule. Le brouhaha continua mêlant paroles et rires. Mais en observant le hall, j’avais la sensation d’entendre un enregistrement au milieu d’un tableau composé de poupées.

Je ne rencontrai personne dans les couloirs. Aussi, avant d’atteindre la porte de ma chambre, je m’inquiétai de ce qui pouvait arriver. Était-elle réellement déserte ? Les hommes de main de son mari, sont-ils aussi partis ? Avait-elle laissé un mot ? Je marchai, divaguant et sentis la fièvre envahir mon esprit. J’avais de plus en plus chaud. Par ailleurs, ma vision devint floue.

Afin de ne pas tomber, j’atteignis la porte en me retenant aux murs. Je pris la clé et l’enfonça dans la serrure. A ce moment, j’inspirai un grand coup avant d’ouvrir la porte lentement. Elle ne grinça pas et laissa apparaitre une pièce entièrement propre et silencieuse. Il n’y avait plus de trace de cette scène de baise entre Ludmilla et les quatre hommes. Il n’y avait plus rien si ce n’est les meubles, ma valise près du bureau ainsi qu’une veste posée sur dossier d’une chaise. C’était une veste de Ludmilla. En entrant, je reconnus le parfum de vanille et de fleur d’oranger que laissait la jeune femme sur son passage.

Je retirai mes fringues encore trempées avant de m’essuyer avec une serviette. Puis, les poumons pressés par l’épuisement, les yeux fatigués par la fièvre, la sueur commença à perler sur mon visage. Alors, je m’allongeai sur le lit et m’endormis immédiatement. J’avais besoin de faire un somme réparateur qui se transforma en un rêve étrange.

J’étais étendu sur le dos. Je pouvais distinguer la chambre qui n’était plus la même. Elle était blanche. Une femme entra et resta quelques instants près de moi. Je reconnus le visage de Ludmilla. Elle ouvrit les lèvres offrant un joli sourire. Elle dit quelques mots indistinguables avant de ressortir et me laisser seul. Puis je me levai. Il n’y avait que mon lit dans la pièce sans fenêtre. Toutefois, une lumière éclairait la chambre comme au grand jour. Je marchai pieds nus, je me dirigeai vers la sortie. La porte s’ouvrit puis je me retrouvai en pleine forêt. Devant moi, de vieux rails marquaient une route. Alors, curieux, sans peur, je suivis la voie ferrée. Je marchai sans avoir mal aux pieds, malgré les cailloux, les ronces ou les lame de bois pourri clouées aux rails. Plus, je m’enfonçai dans la forêt, plus la nuit commença à apparaitre. Je marchai dans un silence total avant d’arriver à un immense château aux murs infranchissables et aux toits noirs. Un croassement me réveilla.

Le corbeau vivait seulement dans mon songe. J’étais de nouveau dans ma suite. Il faisait déjà nuit et j’étais encore fatigué. Bien que je fusse nu, les draps collaient à ma peau à cause de la sueur. Mais qui m’avait mis sous les draps ? Je ne me souvenais pas l’avoir fait. Le parquet vibra soudainement. Trop fatigué, je ne bougeai pas. Quelqu’un s’approcha du lit, je distinguai vaguement une silhouette dans l’obscurité. Une odeur de vanille et de fleur d’oranger rassura mon esprit. Dès lors, je fermai les paupière et essayai de me rendormir. J’avais froid mais j’étais en sueur.

Soudain, les couvertures se levèrent ; le matelas s’enfonça. J’étais pris de vertige tellement les murs bougeaient. Je me sentis partir, m’envoler hors de mon corps mais j’étais encore endormi, prisonnier du lit. Tout autours parut remuer : les meubles, l’armoire, la fenêtre, la chaise sur laquelle mes habits reposaient… Je ressentis le besoin de vomir, mais rien ne voulait sortir. Je frémis lorsqu’une main froide caressa ma joue chaude. Il y avait quelqu’un à côté de moi, mais je ne pouvais pas bouger. Alors, du coin de l’œil, j’essayai de reconnaitre cette personne. Elle n’était qu’une ombre dans le noir. Elle sentait bon la vanille et la fleur d’oranger. J’entendis un long « chut ». Dès lors, je me rendormis de nouveau.

C’était le même rêve. Celui de Ludmilla habillée de blanc qui traversait une chambre aux murs blanc. J’étais encore allongé sur le lit, attendant qu’elle approche. Je ne pouvais faire que ça, car je me sentais paralysé. J’écoutais ses pas résonner dans la salle. Elle posa quelque-chose près de mon bras, prononça quelques mots rassurant puis elle repartit en disant : « A tout à l’heure ». A ce moment, je me levai et me dirigeai hors de la pièce pour la rejoindre. Seulement, en ouvrant la porte, j’entrai dans une forêt où des rails à moitié usés par le temps m’invitaient à prendre le seul et l’unique chemin. Habillé en sous-vêtements, je traversai la forêt encore plus sinistre que la première fois. Je me doutai de ce que je verrai au bout du chemin, et j’avais raison : le château aux murs immenses s’imposa devant moi brusquement, comme s’il venait de surgir des profondeurs de la terre. Cette fois-ci, le corbeau s’envola du sommet d’un toit noir avant de lancer un long et terrible croassement.

J’étais toujours en sueur, sous les draps lorsque j’ouvris les yeux. Sa voix mélodieuse apaisa mon angoisse soudaine. Elle posa une main sur mon front, je compris qu’elle était aussi allongée. Elle dormait à ma gauche. Cependant, l’obscurité de la nuit m’empêchait de la voir. Et sans ce parfum de vanille et de fleur d’oranger, je n’aurais jamais su que c’était Ludmilla.

- Tu es revenue ? demandai-je.

- Je ne suis jamais partie, répondit-elle.

Sa voix était douce et calme. Si calme qu’elle me rassurât. Je fermai les paupières, la sueur coulait toujours sur mon corps, les draps se collaient à ma peau trempée. Sa main glacée caressa une seconde fois mon front bouillant. Elle me faisait du bien. Je me rendormis.

Lorsque le jour apparut, un jeune homme assis à côté du lit m’effraya. Confus, il se leva immédiatement avant de se présenter. Il avait un léger accent allemand. Johann Textor était l’élève de Klaus Möller, l’historien que je devais rencontrer à Brasov.

- Vous êtes arrivé avec la diligence d’hier soir ? questionnai-je.

- Heu… Non… je suis arrivé, il y a quatre jours, répondit-il.

- Pourquoi n’êtes-vous pas venu avant ? intervins-je un peu étonné.

Il me dévisagea de ses yeux gris. Il semblait désorienté ou timide en découvrant que j’étais entièrement dévêtu. Il tourna la tête pendant que je me couvrais d’une robe de chambre appartenant à l’hôtel.

- C’est que vous étiez malade, dit-il.

- Je ne l’ai été que cette nuit.

Il garda le silence attendant d’être sûr que je sois rétabli. Puis il inspira une grande bouffée d’air.

- Cela fait cinq jours qu’on vous a trouvé délirant dans cette chambre. Vous êtes resté couché depuis ce temps.

Alex@r60 – mai 2022

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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