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les écrits fantasmagoriques
29 mars 2021

L'hôtel particulier (38)

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Chapitre 38: Le journal de Diane

La vie devenait de plus en plus monotone.

Je tournai généralement en rond à m’occuper de la maison. Souvent, je lisais ou surfais sur internet pendant que Tatiana regardait la télévision. Nous discutions de temps en temps s’adressant des banalités sans importance. Je ne réalisai pas qu’il n’y avait plus vraiment de désir entre nous.

En fait, le désir dormait de plus en plus ou se cachait dans un coin de notre esprit. Depuis la perte de notre bébé, l’attirance n’avait plus le même goût. Il ne se montrait pas dans le désir sexuel, il était plus attentionné. Il se voulait plus proche sans pour autant avoir envie de l’autre. Je ne voulais pas brusquer Tatiana non plus, préférant prendre notre temps et sa reconstruction. Elle se laissait aller, entrant parfois dans une sorte de mélancolie mais en prenant du recul, j’eus plutôt l’impression qu’elle avait perdu l’esprit.

Ma compagne se vautrait souvent sur le canapé à regarder, l’œil perdu, une émission sans peps sans importance. Elle ne changeait pas de chaine s’endormant toujours après avoir allongé son corps qui ne grossissait plus. Je la suspectai de vomir en cachette. Aussi, elle ne rechignait pas à lire un roman qui ornait les étagères de la bibliothèque. A ma grande surprise, elle choisissait toujours un classique, un Victor Hugo un Zola ou un Balzac. Il y avait dans ses choix une façon détournée de repartir en enfance et de revivre son adolescence dorée et évanouie depuis si longtemps. Parce qu’elle prenait toujours des romans étudiés au collège ou au lycée.

Nos amours se limitaient à quelques caresses. Nous commencions à nous embrasser longuement, langoureusement puis nous mains se perdaient sur nos peaux transies de désir. Je sentais son sexe humide, elle râlait sous les caresses de ma langue sur ses seins ou son ventre. Elle osait déposer un baiser sur ma verge dans le but de la raidir et de la prendre en bouche mais toujours le chat noir, ce putain de chat intervient en grimpant sur le lit ou en miaulant pour signaler sa présence. Dès lors, Tatiana délaissait notre amour pour s’occuper de cette bête qui prenait de plus en plus de place dans son cœur mais aussi sur mon lit.

L’animal devenant trop envahissant et de plus en plus inquiétant, je décidai après quelques nuits de ne plus dormir avec Tatiana. De toute façon, je n’avais plus d’argument pour convaincre ma copine de l’aspect néfaste du chat. Je retournai donc dans mon ancienne chambre qui sentait encore l’eau de javel. Mais dérangé par l’odeur, et par sécurité pour Tatiana, je partis dormir dans la chambre voisine, celle de Diane.

Elle n’avait rien de particulier si ce n’est que je vécus la trouille de ma vie lorsqu’un fantôme vint à cogner contre la fenêtre. Etrangement, les traces de ses doigts marquaient encore le carreau alors qu’il avait été changé pendant les travaux. J’eus un mal fou à m’endormir, d’ailleurs, je laissai une lampe de chevet allumée pour être rassuré.

Plusieurs coups dans le couloir me réveillèrent. Je me levai, sortis de la chambre et ne remarquai rien de particulier si ce n’est les enfants en train de courir à l’étage. Il n’y eut pas de musique, il n’y eut pas de femme cherchant Joseph non plus. Par contre, la porte de la chambre de Tatiana était grande ouverte. Alors, j’entrai et fus à moitié surpris de trouver le lit entièrement vide. Elle n’était plus là tout comme le chat. Je retournai dormir, déjà mes paupières commençaient à fatiguer.

J’étais persuadé avoir laissé la porte de ma chambre ouverte, pourtant je la découvris fermée. Dès lors, j’actionnai la poignée et fus troublé par la transformation de la pièce. Ce n’était plus la chambre que j’avais quitté mais celle de Diane avec ses couleurs rouges vifs et des habits en vrac un peu partout.

Elle était seule, habillée en tenue de soirée, la même robe noire qu’à nos rencontres. Elle ne porta pas attention à moi et écrivit sur un cahier quelques lignes à l’aide d’une plume. De temps en temps, elle enfonçait ce stylo antique dans un encrier plein, puis elle reprenait ses griffouilles. Je restai sur le seuil de la porte avant d’entrer et de me mettre de côté. Elle ne remarqua toujours pas ma présence continuant d’écrire. Parfois, elle levait la tête afin de trouver les bons mots de son histoire. Soudain, elle déposa un papier buvard sur la feuille d’encre fraiche, elle referma le cahier, se leva et quitta la chambre sans un regard pour moi. Elle referma la porte à clé.

Prisonnier dans son espace, je savais que tôt ou tard, tout redeviendrait normal. A ce moment, je m’assis sur le lit à la couverture rouge. Et je m’allongeai sentant au passage les draps et l’oreiller. Je retrouvai un parfum qui d’un coup, me perturba au point d’inquiéter mes sens. L’odeur de Diane ressemblait beaucoup à celui de Marion. Aussitôt je me précipitai pour vérifier la porte. Elle était toujours fermée à clé. J’eus soudainement la trouille en apercevant une silhouette passer devant la fenêtre. Mais après quelques instants de panique, je compris qu’il s’agissait d’un animal volant ou tout simplement de mon reflet.

J’attendis un peu avant de m’assoir sur la chaise de son bureau, la seule chaise sur laquelle il n’y avait rien de posé. Alors, je surveillai d’un œil inquiet la fenêtre avant d’observer la chambre. La penderie semblait en mauvais état et affichait des battants de porte qui tenaient à peine. Je n’osai pas les ouvrir par peur qu’elles ne me tombent dessus. La commode avait un tiroir ouvert, je vis qu’il était rempli de sous-vêtements tous à l’apparence sexy avec des dentelles affriolantes. Et des vêtements un peu partout ; des robes élégantes, des bas, des culottes, des chaussures… Je me sentis un peu mal à l’aise de voir autant d’intimité.

Des affaires de maquillage reposaient sur la commode. Je regardai une brosse avec quelques cheveux coincés entre les piques. Puis, je fis l’inventaire des affaires posées sur la table servant de bureau. Il y avait encore une brosse à cheveux, quelques ustensiles à maquillage, un poudrier en argent, quelques lettres regroupées et entourées d’une ficelle, l’encrier ressemblant à un verre rempli de peinture noire, mais il y avait surtout deux cahiers en plus de celui sur lequel elle avait écrit.

Bien que de taille plus petites, les cahiers ressemblaient beaucoup aux anciens registres par leur couverture. Je fixai mon regard sur eux, me demandant quel pouvaient être leur contenu. Je devinai des récits de sexe sans passion, une vie de prostituée vivant enfermée dans un bordel même s’il ne s’agissait que d’une maison de repos. L’attente parut longue au point de laisser mes doigts soulever la première page d’un des cahiers.

L’écriture de Diane était agréable à voir. Elle avait une jolie façon de faire ses R ainsi que les majuscules. Il y avait une certaine naïveté dans sa calligraphie. Je remarquai une incroyable ressemblance avec les lettres qu’on apprenait à écrire à l’école. Je m’attendais à lire un vulgaire journal intime. Mais en fait, il s’agissait surtout d’un témoignage intéressant. Dès lors, je plongeai dans ses écrits sans me soucier de son éventuel retour.

Diane ne raconta rien sur son enfance ni sur ses débuts dans la prostitution. Je devinai que les livres n’étaient pas les premiers. Elle commença par raconter son arrivée dans la maison. C’était un jour de pluie, la villa était déjà connue comme centre de repos. Avant, elle partait avec ses collègues pour une autre demeure plus proche de Lyon mais cette propriété fut détruite suite à un terrible incendie.

Diane ne montra aucun emballement pour la maison. C’était une baraque comme une autre aménagée dans le but de reposer les putains.  L’expression écrite me choqua parce qu’en lisant, j’avais la voix de Diane en tête. Elle expliqua comment elle prit ses aises. Le jardin fut le lieu où les filles aimaient se prélasser. Je découvris qu’à cette époque, il existait un portique derrière la maison.

Petit-à-petit, une autre Diane s’affichait à mes pensées. Elle montra plus de sensibilité, d’affection pour les autres prostituées qu’elle considérait comme des amies. Cependant, elle écrivit sur une rixe entre filles pour un médaillon perdu ; il existait pas mal de tension entre elles sans apporter plus d’explication. Je lisais lorsque j’entendis des pas derrière la porte. Dès lors, je refermai le livre et attendis patiemment qu’on entre. Une silhouette était visible par-dessous la porte. Cependant, elle partit, se dirigeant vers la chambre du fond. Je repris ma lecture.

Au fil du temps, Diane apprécia le lieu. Elle y restait un mois avant de retourner travailler sur Paris. Son rythme sembla fou. Enfermée six mois dans un bordel puis un mois de vacances, enfermée dans la villa. Elle ne voyait rien de la vie si ce n’est les hommes rencontrés lors des soirées fines. Parfois, elle se plaignait tachant la feuille d’une larme ou deux ainsi que de quelques ratures afin d’embellir sa tristesse. Elle écrivit sur sa plus grande peur : finir dans une maison d’abattage, là où les filles ne quittent jamais le lit. Mais elle écrivit surtout sur ses séjours dans la maison.

Ainsi, elle s’habitua à la maison au point de s’y plaire. Elle prit ses aises obtenant sa propre chambre. Auparavant, elle partageait sa chambre avec une autre fille, très souvent la même répondant au prénom de Carmen. Puis, elle fut surprise de découvrir des fleurs quotidiennement posées sur son lit. Elle apprécia les roses bleue, se demandant qui pouvait les apporter. Personne n’avoua en être l’auteur d’autant qu’il n’y avait pratiquement pas d’homme en dehors de quelques militaires acceptés par pitié en raison de leur blessure de guerre. Je tournai les pages et, mes yeux pétillèrent, mes mains tremblèrent lorsque je lis enfin sa première rencontre avec cet homme qui aime offrir des roses bleues.

Alex@r60 – mars 2021

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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