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les écrits fantasmagoriques
27 décembre 2020

Je te vois!

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Suite à la naissance de notre deuxième enfant, nous emménageâmes dans une maison plus spacieuse. C’était une de ces maisons bourgeoises comme on les trouve dans les centres-villes. Il y avait du terrain autours si bien qu’elle fut convoitée par quelques agences immobilières afin de la détruire au profit d’un immeuble à bas prix. C’était la mode en ville, à croire que la municipalité acceptait des pots-de-vin pour laisser faire. Toutefois, nous obtînmes l’affaire pour le bonheur de ma chère et tendre.

Au-delà du jardin dont on n’entendait rien de la rue, la maison offrait de nombreuses pièces. Sur deux étages, nous avions quatre chambres, une bibliothèque, un salon, une salle à manger et deux salles d’eau.  De plus, en nettoyant le grenier, jamais on n’aurait pensé trouver une salle secrète. En effet, un mur de plaques de plâtre séparait ainsi le grenier en deux.

Après avoir fait une entrée dans le faux mur, nous découvrîmes de nombreux objets et meubles oubliés sous des draps blancs couverts d’une fine couche de poussière. Nous trouvâmes deux armoires à l’apparence vieillotte, des malles plus ou moins en bon état. Nous fûmes surpris de ne rien voir rongé par la moisissure tellement la pièce parut hermétique. Dès lors, Sarah mon épouse débarrassa les valises de leur contenu. Elle et notre fille ainée, s’en donnèrent à cœur joie à la vue de magnifiques vêtements de diverses époques. La plupart rappelait les années 70 et 80. Il y avait des jeans en pattes d’éléphant, des pantalons en tulipes, des chemises et robes à fleurs, des chapeaux et le tout pouvaient encore servir.

La malle la plus cachée contenait juste une poupée. Il n’y avait rien de précis, aucune explication. Elle était isolée des autres jeux que nous découvrîmes dans un coffre à jouets en forme de coffre de pirate. Son apparence très bien conservée était charmante avec ses cheveux roux et ses yeux verts. Par ailleurs, après quelques recherches sur internet dans le but de connaitre sa valeur, mon épouse découvrit qu’elle était une des premières poupées à avoir la faculté d’intégrer un système électronique la faisant parler. Du haut de ses quatre ans, Louise n’attendit pas notre permission et joua avec. La poupée prononçait plusieurs phrases classiques telles que « Il est l’heure du thé » et « veux-tu jouer avec moi ? »  Cependant, elle répétait surtout deux phrases qui me dérangeaient étrangement : « Je te vois » et « Veux-tu être mon amie ? »

En effet, il y avait dans le timbre grésillant de sa voix de petite fille, une sorte de malaise perceptible à l’oreille. Il y avait comme un dédoublement de la voix. Toutefois, nous laissâmes notre fille jouer avec. Elle s’en était amourachée….normal pour une petite fille.

Deux jours plus tard, Louise ressentit ses premiers malaises. Elle se plaignit de faire des cauchemars nous rejoignant en pleine nuit pour dormir dans notre lit. Au début, nous acceptâmes, seulement, nous décidâmes de ne pas l’habituer à continuer ce jeu. Alors, Sarah ou moi l’accompagnait dans sa chambre où l’on veillait jusqu’à ce qu’elle se rendorme. Seulement, il arrivait qu’elle revienne une heure après, toujours aussi perturbée par un terrible songe.

Au bout d’une semaine, elle sortit la poupée de sa chambre. Elle était en colère après elle, l’accusant d’être méchante et de vouloir la pousser à faire du mal à son petit frère qui n’avait pas encore huit mois. Elle abandonna le jouet sur le seuil de sa porte, alors, je décidai de la prendre et la ranger dans une armoire en attendant que Louise décide de rejouer avec. Mais, le soir, j’entendis un curieux bruit provenir de l’armoire. C’était comme une voix de petite fille qui répétait en boucle : « Je te vois ». Dès lors, j’ouvris la porte et remarquai que le mécanisme de la poupée fonctionnait. Je la pris dans les bras pour l’éteindre lorsqu’elle me surprit par : « Veux-tu être mon ami ? » Je répondis machinalement : « Plus tard » avant de baisser l’interrupteur sur off. Puis, je refermai les battants de l’armoire après avoir déposé la poupée.

Durant les nuits qui suivirent, Sarah et Louise furent réveillées par des rires de fillettes. Je devinai qu’elles faisaient des cauchemars. Mais j’entendis ces mêmes rires. Je me levai, me demandant d’où cela pouvait bien provenir lorsque je compris qu’il s’agissait de la poupée. Accompagnée de Sarah, j’ouvris l’armoire. Quel fut mon inquiétude d’entendre de nouveau la poupée répéter : « Je te vois ». « Tu n’y a pas touché ? » demandai-je à mon épouse. Elle répondit par un non évident. Dès lors, je repris la poupée. Mais avant, j’examinai son visage qui me semblait légèrement différent. Ses yeux paraissaient bouger et me suivre. Sarah ria jaune quand elle dit : « Veux-tu être mon ami ? » Par contre, je ne répondis pas puis je retournai la poupée, ouvris sa robe en tissu rose et restai éberlué en constatant l’interrupteur en position éteinte. « Il y a un dysfonctionnement ! » affirma Sarah. Ainsi, j’amenai la poupée dans le salon, la déposai sur la table basse avant de récupérer un tournevis.

La poupée continuait de s’exprimer récitant toujours les deux phrases : « Je te vois. Veux-tu être mon amie ? » Cela nous tapa sur le système. Sarah avoua aussi ressentir des nausées. Pendant ce temps, notre fils Noah pleura tout à coup, rappelant son besoin nocturne de manger… ou quelque-chose venait de le réveiller car il refusa le biberon préparé par sa mère. Le temps de revenir et j’entendis Sarah s’énerver sur la poupée alors qu’elle n’était pas dans la même pièce.

A peine entrai-je dans le salon que je fus déconcerté en apercevant la poupée assise alors que je l’avais allongée sur la table. Trop occupée, Sarah ne pouvait l’avoir touchée. Le poupon attendait sagement en rabâchant toujours les deux phrases. J’avançai lentement vers elle, j’étais pris d’une sensation de malaise. Sans comprendre pourquoi, mon cœur s’emballait. J’attrapai la poupée qui continuait de s’exprimer et desserrait les vis dans son dos. Seulement, une fois le boitier ouvert, je lâchai le jouet, pris de panique par ce que je venais de voir… ou par ce que je ne vis pas.

Le boitier était complètement vide. Il n’y avait pas de pile. Il n’y a jamais eu de pile dans la poupée. Je restai immobile, inquiet, apeuré, étourdis par cette horrible réalité. La poupée était possédée. Cette dernière sur le ventre, la tête anormalement tournée de côté, répétait sans cesse : « Je te vois… Veux-tu être mon ami ? Je te vois…Veux-tu être mon ami ?... » Maintenant, je comprenais pourquoi elle était enfermée dans le plus profond des coffres. Elle n’aurait jamais dû être trouvée.

Ni Sarah ni moi ne voulut retoucher à cette poupée de l’enfer. Nous la laissâmes dans le salon. Je fermai la porte, espérant qu’elle s’arrête avec l’usure. De même, Sarah décida de dormir dans la chambre de Louise après avoir déplacé le berceau contenant notre fils. Elle voulait être certaine qu’il n’arrivera rien aux enfants. De mon côté, je m’allongeai sur mon lit et ne voulant pas dormir, je lis mon livre de chevet. Toutefois, mes paupières s’alourdirent au point de se fermer. Je crois m’être assoupi quelques minutes lorsqu’une voix me réveilla.

En voyant la poupée à mes pieds, je sursautai tout en criant. Elle était assise et prononçait encore ces phrases agaçantes : « Je te vois, veux-tu être mon ami ? » Ses yeux avaient perdu leurs éclats, ils n’étaient plus verts mais d’un blanc si humide qu’ils paraissaient vivants. Son aspect livide, la couleur de son visage devenue olive rappelait les morts-vivants des films d’horreur. La poupée ne remuait pas, se contentant de répéter avec une voix de gamine mêlée de crépitement ses phrases préférées.

Dès lors, je repris mes esprits en me disant qu’elle ne pourrait rien contre moi. J’approchai lentement et murmurai par simple curiosité : « D’accord, je veux bien. ». A ce moment, le sang me glaça, la torpeur envahit mon esprit quand j’entendis la poupée demander dans la plus grande des sérénités : « Alors, tu veux bien tuer ta femme et tes enfants pour moi ? ». Elle insista à dire cette phrase sans interruption. Il n’y avait aucun silence entre la fin de la question et le début de la suivante. Elle persistait au point de m’hypnotiser. Des images effroyables me vinrent en tête. C’était comme une cruelle prédiction dont j’avais le mauvais rôle. Le sang bouillait dans mon cerveau, j’eus un soudain mal de crâne et pour m’en débarrasser je savais que je n’avais qu’une seule chose à faire : massacrer ma famille.

Soudain, je me suis levé du lit et j’ai couru pour me jeter par la fenêtre.

Quand je me suis écrasé sur le parterre de fleur, j’entendais encore la voix maudite de la poupée. Ensuite, je ne pouvais plus bouger. Je ne sentais plus mes jambes ni mes bras. En entendant le fracas, un voisin appela les secours après m’avoir aperçu gisant sur le sol. D’après les médecins, la colonne vertébrale a été sectionné et je resterai paralysé jusqu’à la fin de mes jours. On m’a demandé pourquoi j’ai fait ça. J’ai menti prétextant l’accident afin de ne pas être pris pour fou. Sarah connait la raison et cela me suffit. Elle avait été réveillée par le bruit de verre qui éclatait. Elle s’est précipitée dans la chambre et a vu la poupée tourner la tête dans sa direction avant de lui dire : « Je te vois, veux-tu être mon amie ? »

Sarah a fait appel à un professionnel du paranormal pour se débarrasser de la poupée. Depuis, nous vivons paisiblement. Je me déplace grâce à une petite voiture électrique qui obéit à ma voix. Je regarde les enfants grandir ainsi que Sarah qui s’occupe de nous trois. Parfois, je regrette ma décision. A ce moment, la dernière question de la poupée revient dans mes pensées et je sais que c’était la seule solution. Autrement, elle aurait pris possession de moi et quel mal aurait-elle fait à ma famille ? Dieu seul le sait !

Alex@r60 – décembre 2020

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