Hôtel délabré
C’était un tout petit hôtel
Avec ses clients habituels
Et ses murs terriblement lézardés
Aux fenêtres et volets mal fermés.
Coincé entre ici et là-bas,
Son réceptionniste en bas,
Dormait derrière son guichet
Pendant que dans les chambres, on vivait.
Au premier, un migrant parlait fort
Avec un terrible accent roumain.
Devant son miroir, il faisait des efforts
Espérant obtenir un job sans lendemain.
Il était amoureux de la fille du deuxième,
Une belle jeune femme un peu paumée
Qui n’a jamais compris ses « je t’aime ».
En fait, il n’arrivait pas à les prononcer.
Un peintre choisit cet hôtel
Et son confort comme atelier.
Il recevait des femmes infidèles
Prétextant dessiner leur portrait.
Et pendant qu’il les baisait,
Il distrayait une prostituée
Qui a toujours refusé
De se faire tirer le portrait.
Il n’avait pas d’argent,
Contrairement aux militaires
Dont la solde disparaissait souvent
Avec une partie de jambe en l’air.
On rencontrait parfois un client anonyme ;
L’air triste, fatigué, presque cacochyme,
Il avait beau prendre un bain,
Il sentait toujours le mauvais parfum.
Et puis, il y avait nous, toi et moi !
Par hasard, on était venu ici
Pour une nuit ; la première fois
Qu’ensemble nous avions dormi.
Nous avions peur, tu avais froid.
Alors, dans un soupir à peine chuchoté,
Tu m’as demandé de t’embrasser
Avant d’ajouter : « Déshabille-moi ! »
Alex@r60 – mai 2020
Photo : Paris 1953