Alter ego

On a toujours tendance à se réveiller dès qu’une main touche, frotte notre front. Seulement, en ressentant celle-ci, alors que je dormais, je n’ouvris même pas les yeux. Pourtant ces doigts étaient froids, glacials ; ils passèrent sur ma peau telle une caresse venue de Sibérie et qui traversa mon corps de part en part jusqu’à geler mon sang. Je ne bougeai pas tellement mon être fut paralysé par cette sensation d’hiver qui imprégnait ma chambre. Je restai couché, persuadé d’un mauvais rêve. J’attendais et puis, elle bougea la couette exposant mon corps nu à la pénombre de la nuit. Elle s’allongea contre moi tout en posant sa tête sur mon torse. Encore immobile, je ne réagis pas à ses cheveux qui chatouillèrent mon visage donnant l’impression d’une toile d’araignée déposée comme un voile sur une partie de ma figure. Elle ne fit rien, laissant seulement sa tête sur mon corps. Je ne savais pas qui c’était ou plutôt ce que c’était. Un démon, un succube, un spectre ou juste un rêve. De plus, je me sentis bien, calme allant même à trouver un certain désir dans la situation. Une raideur soudaine au bas-ventre, comme si tout mon sang décida de se regrouper dans mon pénis, me fit réaliser pourquoi les pendus éjaculaient avant de mourir. Je ne savais pas ce qui allait se passer et cela m’excitait.

J’entendis la voix douce de cette compagne inattendue. Elle ne prononça pas de mots dans l’air que je respirai mais dans ma tête, communiquant directement à mon cerveau. Elle demanda si je savais qui était mon âme-sœur et que ferai-je à notre première rencontre. Je répondis par pensées, avouant ne pas quoi dire ni comment réagir. Je supposai que notre rencontre se passerait naturellement, enfin je le crus quand je m’endormis avec cette pression sur la poitrine. Elle était toujours contre moi. Je rêvai d’une jeune femme qui s’approcha. Son visage caché sous un masque de comédie italienne ne me dérangeait pas. Je ne voyais ni sa bouche, ni son nez. Bien que ses yeux semblent banals, je reconnus ce regard que je n’avais jamais vu.  Elle s’approcha si près de moi que mon premier réflexe fut de la gifler pour ce temps perdu à l’attendre. Je lui demandai pourquoi elle n’était pas venue avant. Dès lors, elle me gifla à son tour me signalant qu’au lieu de passer mon temps à l’attendre, je n’avais qu’à la chercher. Je baissais la tête de honte et la pris dans mes bras pour l’embrasser malgré son masque de carnaval.

Son haleine avait un gout merveilleux de fraise, de framboise et de cerise. Nous partageâmes ce baiser intense longtemps avant que je n’éclate en sanglot sur son épaule, remplissant mes poumons à cet instant de son parfum propagé dans son cou. Elle sentait bon la vanille et la fleur d’orange. Nous fîmes l’amour sans se toucher sexuellement, uniquement serrés l’un contre l’autre. Soudain, je réalisai être dans mon lit. J’ouvris les yeux mais toujours paralysé, la tête sur mon torse faisait encore pression. Ce n’était plus un démon, mais un ange… Elle était là apparut surgissant de mon rêve. Je sentais son poids écrasant ma poitrine, je sentais son corps allongé contre moi, je sentais quelques cheveux bouclés effleurant mon menton, ils sentaient agréablement la pomme.

J’étais dans l’impossibilité de remuer, de toute façon, je ne voulais pas, préférant profiter au maximum de sa présence. Mon sexe n’était plus en érection, il reposait maintenant laissant quelques gouttes chaudes sortir comme si je venais de faire l’amour Elle ne disait rien ouvertement, pourtant j’entendais sa voix communiquer télépathiquement. Elle me parla d’elle, de sa vie, sa naissance, ses réussites, ses expériences, ses sentiments. Elle me rappelait une héroïne d’un dessin animé de ma jeunesse. C’était une petite fille handicapée, dans un fauteuil roulant qui combattait un diable. Durant chaque épisode, un phénomène magique l’emmenait vivre une aventure extraordinaire au cours de laquelle elle gagnait contre cette flamme démoniaque et ses sbires. Je savais qu’elle ne portait pas son prénom, cependant pour m’amuser, je l’appelais ainsi : Clémentine, un prénom de fruit lui allait si bien ! En l’écoutant, je me sentais fier d’elle puis ce fut mon tour de parler. Je retins ma salive, constatant ma vie triste et morose. Je me sentais tellement honteux que sa tête appuyait sur mon torse, m’étouffant d’angoisse et de terreur. Son corps collé au mien voulait m’emmener, m’éloigner de mon lit, il m’attirait tandis que je voulais partir. Je voulais fuir et m’éloigner, répétant qu’elle méritait quelqu’un de mieux, un homme meilleur ; un aventurier comme elle ! Elle refusa mes mots, les rejetant  au plus loin de la chambre à l’image de balles de tennis lancées. Elle insista pour que je reste, me serrant de plus en plus fort, elle voulait partir aussi mais m’emporter dans un monde où nous serions seuls. La panique me prit d’un coup, je n’arrivai pas à hurler, je n’arrivai pas à bouger le moindre membre. Elle me serrait, m’étouffant de son amour au point de me noyer, je m’enfonçai comme attiré happé vers les profondeurs de l’océan qu’étaient devenu mon lit. Ma vue se brouilla, je pensai à quelque-chose de beau, quelque chose de bien. A ce moment, elle leva la tête et je vis son visage. L’ange portait la figure d’une connaissance : Il avait sa bouche, il avait sa sérénité et la même naïveté dans les pupilles de ses yeux. Elle se leva et disparut dans la nuit qui avait envahi l’atmosphère. Je pus enfin remuer les doigts, j’étais soulagé d’être de nouveau libre de mes gestes et de savoir que j’avais déjà rencontré mon âme-sœur, mon alter égo.

Alex@r60 – octobre 2019