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les écrits fantasmagoriques
17 avril 2022

Transylvanie express (20)

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Le jour où le brouillard disparut, Catalina s’amusait à crier par la fenêtre. Elle saluait aussi bien avec les bras sortis pour défier la force du vent, qu’avec sa voix qui répétait sans arrêt : « Buongiorno a tutti ! » Elle criait, découvrant le timbre de sa voix qui, parcourait la campagne. Elle ressemblait à ces enfants en train d’appeler l’écho au bord d’une falaise de montagne. Dehors, les paysans s’attardèrent à observer le train, répondant à ses cris de joie par un salut de la main, avant de reprendre leurs labours.

J’écoutais sa voix aigüe rire et brailler. De temps en temps, je voyais ses bras gigoter et se balancer dans les airs. Elle hurlait sa joie. Puis, elle s’éloigna. La fenêtre claqua et l’on entendit les rires continuer avant de se taire. Au premier gémissement, Ludmilla me regarda en haussant les sourcils. C’était encore reparti pour un moment de sexe entre les deux vénitiens !

Les chocs contre le mur, les geignements, les soupirs, les râles résonnèrent jusqu’à nos oreilles. Je me sentis gêné, parce que j’avais leurs visages en tête, et déjà, l’image de leurs corps se frottant, se profila dans mon esprit. Je ne pouvais que répondre à Ludmilla par un sourire grimaçant.

- Et si nous faisions pareil ? exclama-t-elle tout-à-coup.

Elle me prit au dépourvu en s’asseyant à côté de moi. Sa main caressa ma cuisse et sans prévenir, elle approcha ses lèvres des miennes. Sa langue envahit ma bouche, m’interdisant de répondre en conquérant mon esprit devenu brusquement docile. Nous nous embrassâmes oubliant les plaisirs non retenus de la cabine voisine. Ensuite, ma main commença à caresser son visage avant de descendre dans son corsage. Elle réussit à s’engouffrer difficilement en appuyant contre son sein gauche. Les battements de son cœur circulèrent jusqu’au bout de chacun de mes doigts.

Malgré nos baisers, elle soupira avant d’éloigner la tête et de s’allonger. Son regard en plus d’un petit sourire malicieux en coin, m’invita à étendre mon corps près d’elle. Pendant que je pris mes aises, elle tira sur le lacet de son corsage. Sa poitrine gonfla, faisant ressortir les tétons durcis par le désir. Ma main effleura les parties visibles de sa peau blanche. Ludmilla retint un râle lorsque je visitai son entrejambe. Nous oubliâmes les agissements bruyants des Italiens.

J’aimais Ludmilla. J’aimais regarder les étoiles dans ses yeux dès que nous faisions l’amour. J’adorais la voir fermer les paupières quand son plaisir prenait possession de son corps. J’aimais le contact de la peau contre la mienne. J’aimais sentir sa respiration lorsque je l’enlaçais.

Contrairement à Catalina, Ludmilla retint ses cris. Elle pinça ses lèvres entre les dents jusqu’à ce qu’elle m’entendît jouir. C’était plus fort que moi. Cependant, grâce à son expérience dans la prostitution, elle bloquait généralement le canal reliant les testicules, empêchant ma semence de jaillir, en l’obligeant à prendre un chemin pour se diluer dans la vessie.

Je pouvais donc continuer et jouir en même temps qu’elle. Ce fut une explosion intense, serrés l’un contre l’autre. Le monde pouvait s’écrouler, la cabine prendre feu et le train dérailler, rien ne nous empêchait de rester enlacés pendant ces quelques longues et savoureuses secondes. Puis, nous restâmes allongés, reprenant notre souffle. J’aimais le parfum de vanille et de fleur d’orange dégagé par sa sueur. J’aimais la sensation de ses mains sur mon ventre, moment d’hésitation entre brosser les poils de mon corps, de mon pubis et m’inviter à recommencer.

Mon amie se leva soudain. Elle resserra le cordon de son corsage après avoir rentré sa poitrine. Puis elle s’habilla d’une robe légère mais assez volumineuse avant de commencer à ranger ses vêtements dans une malle. Une partie récupérée la veille dans le wagon blanchisserie, était déjà dans la grosse valise. En découvrant l’heure sur ma montre à gousset, je compris que nous arrivions bientôt à Bucarest. A côté, le silence régnait, si ce n’était le bruit du train. J’aperçus les mains de Catalina par la fenêtre. Elle regardait les champs enfin visibles.

Une heure plus tard, un contrôleur passa dans le couloir. Il annonça le prochain arrêt. J’attendis les dix dernières minutes en regardant par la fenêtre. J’étais content de ne plus voir ce maudit brouillard. Quelques villages furent apercevables au loin, au milieu des champs et des pâtures. Un peu de poussière s’envolait au passage du train. Et la belle blonde italienne criait toujours « Buongiorno ! » dès qu’elle apercevait quelqu’un. Elle était toujours collée à la fenêtre de sa cabine, les bras posées sur la vitre baissée. Ses mains se caressaient mutuellement, croisant parfois leurs doigts. De temps en temps, elle riait ou parlait en italien. En revanche, je n’entendis pas son mari.

Les maisons devinrent de plus en plus nombreuses et de plus en plus proches. Aux premiers bâtiments à étage, j’invitai Ludmilla à sortir. Nous attendîmes la venue d’un bagagiste pour déplacer les valises dont la malle de Ludmilla. Je gardais sur moi, la sacoche contenant les documents de la bibliothèque du château de Brasov, ainsi que mes papiers professionnels. En fait, je n’avais que ça pour m’identifier. Un courrier signé par un ambassadeur de Roumanie, servait de passeport.

Le train ralentit soudainement pour entrer en gare. La présence d’une immense foule sur le quai rassura les passagers : Le mal des méninges n’avait pas atteint Bucarest ! Nous attendîmes l’arrêt complet du train avant de descendre. Ludmilla me suivit et, une fois sur le quai, elle regarda les employés des chemins de fer qui descendaient nos bagages. Je n’entendis rien de ses recommandations auprès des valets du quai, relayant ceux du train, tellement il y avait de monde et de bruit. D’ailleurs, j’esquivais une bousculade quand un homme pressé frôla mon épaule.

Les deux domestiques se dirigèrent ensuite vers la sortie. Ma compagne les suivit. Tout à coup, elle porta son attention sur le train, poussant ma curiosité à faire de même. Un des contrôleurs, m’appela mais n’entendant rien, il fit signe de monter. J’approchai en m’excusant auprès des autres voyageurs.

- Vous avez oublié quelque-chose ! cria-t-il.

Son collègue descendit les marches afin d’empêcher le train de repartir et me proposa de retourner dans ma cabine. Ludmilla attendit sur le quai après avoir alerté les domestiques. Fier d’avoir signalé mon oubli, le contrôleur afficha un beau sourire.

- Oui, vous avez oublié vos automates, dit-il.

Il m’invita à entrer dans la cabine des Italiens, ce que je fis sans rien dire. Sur la couchette du bas, deux poupées de taille humaine étaient assises. Elles se touchaient par l’épaule. L’une avait les cheveux blonds et une apparence féminine, l’autre était plus petite mais plus imposante. Elles ressemblaient trait pour trait au couple de vénitiens.  Je les observai en me demandant comment ils pouvaient se transformer. Surtout que leurs yeux gesticulaient dans tous les sens.

- Désolé, je n’avais pas cette cabine, dis-je.

L’homme du train parut surpris. Il regarda le numéro sur la porte.

- Effectivement. Excusez-moi !

Dès lors, je redescendis rejoindre Ludmilla qui attendait toujours sur le quai. Les deux bagagistes commençaient à fatiguer. Puis, en me voyant, ils reprirent leur marche en direction de la gare. Nous traversâmes difficilement le hall en raison du monde. Une fois dans la rue, les valets déposèrent nos valises à l’arrière d’une calèche. Le conducteur aida Ludmilla à grimper. Ensuite, il attendit mes ordres.

- Athénée palace, dis-je en lisant un des courriers écrits par mon supérieur Joseph Marchois.

Pendant que les chevaux hennirent, le train quitta la gare. A la fenêtre de sa cabine, Catalina s’amusait de nouveau à saluer les gens en criant : « Buongiorno a tutti ! »

Alex@r60 – mars 2022

Photo: Roger Deakins- On a train returning from a day of shooting for -The Reader- Germany (2007)

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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