Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les écrits fantasmagoriques
16 janvier 2022

Transylvanie express

tumblr_8e39f4168b332c3f34e5eb5024a4e65c_f49f1b96_540

Le contact des roues sur les rails rythmait le voyage. Je regardai le paysage à travers la vitre… Enfin, j’essayai de  voir quelque-chose dans ce noir étendu qui s’offrait à ma vue. Parfois, quelques lumières apparaissaient tels des yeux ronds et jaunes indiquant la présence d’un lieu habité. Je devinai, en distinguant une ombre ou une forme lointaine, un bâtiment, sans l’identifier réellement.

Je ne faisais pas attention aux autres voyageurs assis dans le compartiment. L’un d’eux se leva pour aller pisser ; un autre répondit fortement au téléphone avant d’être interpelé par une dame agacée. Alors, il baissa la voix sans pour autant quitter le wagon. Mais il régnait surtout un silence entrecoupé par quelques toussotements…Et le bruit provoqué par les roues entre chaque changement de rail. C’est un bruit qu’on garde facilement dans la tête dès qu’on s’assoupit.

Je commençai à fermer les yeux lorsque le train entra en gare. Il s’arrêta juste après l’annonce du nom de la ville par le contrôleur. Ce dernier précisa de ne rien oublier avant de nommer le prochain arrêt. La majeur partie du wagon se leva et sortit tel un troupeau de moutons suivant Panurge en file indienne. Le couloir se vida rapidement laissant avec moi, trois ou quatre individus occupés par leurs téléphones. Il n’entra qu’une personne que je remarquai uniquement par sa démarche. Elle ne fit aucun bruit, cependant, je ressentis à son passage un frisson si glacial que je remontai la fermeture éclair de mon manteau, et blottis mes bras contre mon corps. Le nouveau s’assit à ma hauteur, de l’autre côté du couloir.

Puis le train repartit, laissant les lumières de la ville s’éloigner pour s’enfoncer dans un noir absolu. Le bruit des roues sur les rails réapparut à mes tympans. Dès lors, je décidai de regarder à nouveau la fenêtre et cette obscurité qui cachait tout du paysage. Par moment, je fixais une lueur lointaine, une loupiote comme une étoile. Mais c’était certainement un phare de voiture. De même, je posai la main sur mon sac situé sur le siège voisin ; il contenait mon ordinateur de travail. Le train continua son chemin, une femme âgée, la même qui fut agacée par l’homme discutant au téléphone, se leva et passa à côté de moi. Le contrôleur annonça l’arrivée du train dans une nouvelle gare. En effet, je distinguai les lampadaires de la rue. Le train s’arrêta brutalement. Les autres passagers se levèrent et quittèrent à leur tour le wagon.

Quand le train repartit, je pensai être seul. Toutefois, la présence d’une autre personne me fit sursauter. Elle était assise dans l’autre rangée et semblait me dévisager. Je sentis son regard parcourir mon corps au point de frémir à nouveau. Elle persista en me fixant du regard si bien que je décidai d’en faire autant.

Mais très vite, je fus perturbé par sa beauté. Elle irradiait littéralement. Elle irradiait tellement que je crus à un rêve. Son visage n’avait pas besoin de sourire pour plaire. D’ailleurs, elle avait un air sérieux presque sévère. Ses cheveux bruns et longs masquaient ses oreilles et son cou. Le plus impressionnant fut son regard ; il hypnotisait autant qu’il effrayait.  Il y avait dans ses yeux quelque-chose d’animal. Elle mordilla sa lèvre inférieure puis se leva pour approcher. Il y avait quelque-chose de félin dans ses gestes, sa façon de poser la main sur le dossier du siège ou même d’approcher la tête comme si elle reniflait mon odeur.

Je restai immobile, captivé par cette femme. Au frisson que je ressentis au moment de son approche, je compris qu’elle était la personne montée dans le train à la gare précédente. Elle me dévisageait toujours, ses yeux ne clignèrent pas une seule fois. Elle posa gracieusement un genou sur le siège de mon ordinateur et doucement, elle approcha de mon oreille comme si elle ne voulait pas être entendue alors que nous étions seuls :

-          Vous permettez que je m’asseye à côté de vous ?

-          Je… Oui, répondis-je en bégayant.

Dès lors, je pris mon sac et le coinçai entre mes pieds. Elle portait une robe démodée comme sortie d’un spectacle de music-hall. Malgré ses cheveux longs, elle avait un côté Louise Brooks. Après réflexion, elle était plus proche physiquement de l’image d’Arwen, l’elfe amoureuse d’Aragorn dans « le seigneur des Anneaux ». Toujours impressionné, notamment par la blancheur de sa peau, je préférai éviter de croiser son regard. Cependant, elle posa des questions sur ma présence dans le train, ou je vais et ce que je fais dans la vie. Je répondis machinalement, par politesse et aussi parce qu’une femme de cette beauté accostait rarement les hommes comme moi.

Je me sentais étrangement faible mais plutôt heureux. Parfois, je cherchai à fuir son emprise en regardant la fenêtre. J’essayai de voir où le train se situait exactement. La prochaine gare n’était plus très loin. Soudain, je me sentis étrangement mal à l’aise en découvrant mon reflet. Il n’y avait que le mien et pas celui de ma voisine !

Peut-être a-t-elle sentit ma peur ? En tout cas, elle approcha son visage de ma tête et murmura : « J’aimerais vous embrasser ! ». Elle colla sa main sur ma cuisse ; un froid hivernal parcourut mes os jusqu’au sang. Je me sentis paralysé par cette douleur intense, comme gelé de l’intérieur. J’entendis mon cœur accélérer, mon sang couler dans mes veines. La poitrine gonflée, elle approcha ses lèvres pour déposer un étrange baiser sur ma bouche. Dès lors, je fus pris d’un contraste saisissant en sentant la chaleur de son geste malgré la froideur de ses lèvres.

Le baiser dura longuement. Je fermais les yeux, comme pris de passion. Ma main caressa ses cheveux longs. J’appréciai de plus en plus ce baiser langoureux, la présence de sa langue dans ma bouche. Soudain, elle se dégagea, et commença à embrasser par à-coup d’autres parties de mon visage. La joue, la mâchoire, le  menton et le cou.

Obnubilé, je dégageai la tête pour mieux offrir ma gorge à ses baisers. Il y en eut plusieurs, suivi d’un long suçon. Je soupirai, je frémis aussi car le froid pénétrait toujours mon corps. Je me mordis les lèvres. Ses dents appuyèrent contre ma peau. Elles étaient anormalement pointues. Cependant, je ne fus pas envahi par la peur. Surtout lorsqu’elle enfonça ses canines dans ma chair.

Elle demeura un bon moment, suçant mon sang que je pouvais sentir partir. De temps en temps, elle soupirait, jouissant ainsi d’un breuvage frais et chaud. Inactif, j’observai la scène grâce à la fenêtre, réalisant qu’il n’y avait que mon reflet dans la vitre. Je me trouvai ridicule, affalé dans le siège, la tête penchée. Et mon sang qui sortait d’une plaie ouverte et visible. Cependant, elle était bien présente, dominatrice. Elle buvait tout en me rassurant par un mouvement tendre, une caresse sur le ventre, la cuisse ou la joue. J’entendais mon cœur s’affaiblir. Il battait de moins en moins fort, puis plus rien ! Il n’y avait que le bruit des roues du train sur les rails !

J’entrouvris les yeux pour finalement les refermer. Elle continuait d’aspirer, prenant son temps, la bouche collée sur ma veine presque vide. Un filet de sang coula sur ma peau imprégnant mon pull. Elle se délectait, s’arrêtant un moment comme pour me laisser du répit ou me faire grâce. Puis elle reprenait sa succion, me vidant du peu de vie qu’il me restait. Je pus dire un mot : « Pourquoi ? » avant de quitter mon corps. Dès lors, je vis la chose qui n’avait plus la forme d’une magnifique femme. C’était un être difforme, à la peau verdâtre, au regard noir. Ses cheveux n’avaient rien de beau. Ils paraissaient ternes, raides, comparables à des fétus de paille dont le bout, en forme de tête de serpent, gesticulait en sifflant. La chose décolla sa bouche de mon corps inerte. Sa langue pointue essuya ses lèvres devenues écarlates. Du sang recouvrait le haut de son menton. Soudain, elle leva les yeux et observa mon âme flotter au-dessus d’elle. Elle sourit, montrant des canines aiguisées tels des crocs de chat. Elle cracha avant de disparaitre brusquement dans un coup de vent.

A ce moment, j’ouvris les yeux et me demandais si j’avais rêvé ou réellement vécu cette histoire. Autour de moi, les gens se reposaient dans le train. Un homme habillé d’un uniforme m’observait. Son visage présentait un air embarrassé, comme s’il était responsable de mon réveil.

Alex@r60 – janvier 2022

Publicité
Publicité
Commentaires
les écrits fantasmagoriques
  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Pages
Newsletter
Publicité