Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
les écrits fantasmagoriques
21 novembre 2020

La femme et la cage

tumblr_f35127c0f6c0e0d61e96e02d9ac0e945_19960c0f_500

Le bruit de ses pas me fit sursauter. Je me croyais seul. Pourtant, elle marchait doucement, sur la pointe des pieds. Elle ne s’arrêta pas de suite. Je crois même que c’est mon sursaut qui la fit stopper. Elle me dévisagea sans que je puisse voir sa figure. Je ne savais pas si elle était heureuse ou pas. En fait, je ne la connaissais pas.

Figée comme une statue, elle tenait sa posture dans l’attente d’une réaction de ma part. Par ailleurs, sa main portait une cage à oiseaux vide ; curieux paradoxe car avant son apparition, je contemplais les différents oiseaux dans le ciel. Il y avait une énorme nuée d’étourneaux, suivis par quelques tourterelles qui roucoulaient dès qu’elles se posaient. Un rossignol chantait dans un arbre accompagné de temps en temps par un coucou…je pense qu’il occupait son nid.

Elle ne bougeait toujours pas semblant attendre une réaction de ma part. Je l’observais sans réellement savoir quoi faire. Ses cheveux bouclés voltigeaient au gré du vent. Ils se remplissaient d’un embrun iodé venu de l’ouest. Je n’osais pas parler, j’avais peur d’être maladroit. Alors, nous sommes restés comme cela à s’observer pendant un long moment de silence.

Les oiseaux tournaient autour de nous. Ils semblaient s’amuser de notre situation. Aussi, je devinai que si j’apercevais mal son apparence, la mienne ne devait pas être mieux à ses yeux. La cage remuait quelquefois. Je compris qu’il y avait quelque-chose dedans, c’était invisible. Dès lors, j’inspirai un grand coup avant de m’engager.

« C’est une jolie cage, elle est de quelle matière ? » Elle ne répondit pas, se limitant à soupirer comme pour signaler que ma question était vraiment conne. Je ne pus qu’approuver. Toutefois, je continuais de poser des questions, auxquelles je n’obtenais aucune réponse. Sa silhouette conservait toujours un aspect sombre contrastant avec le ciel qui se dégageait doucement et dévoilait un soleil d’un jaune éblouissant. Elle apparut à mes sens comme un ange sans aile. Cependant, je continuais de parler bêtement afin de connaitre la raison de cette cage. «C’est pour quelle sorte d’oiseau ? Un perroquet ? Une perruche ? Un rouge-gorge ? » « Des inséparables » avoua-t-elle soudain.

La cage semblait bien vide et étrangement minuscule à l’idée de savoir qu’il contenait habituellement deux oiseaux même petits. Je questionnais désormais sur ces êtres qui devaient profiter d’un moment de liberté. Je devinai qu’ils volaient certainement auprès des étourneaux dont les envolées devenaient de plus en plus artistiques. Elle ne dit rien. Le vent continuait de démêler ses cheveux. A hauteur de la cage, les rebords de sa robe voltigeait légèrement attirant mon regard sur ses cuisses apparemment fermes et douces. Cependant, elle ne réagit pas à mon comportement, gardant encore cette stature froide qui la définissait pour le peu que je savais d’elle.

« J’en ai trouvé un, dit-elle. L’autre n’est pas encore visible ». A ce moment, une force étrange imprégna mon esprit. J’entrais dans une sorte d’étau qui me compressa brutalement. Au-delà de rapetisser, ma peau changea d’apparence, Des plumes jaunes et vertes surgirent de mon épiderme. Je sentis une douleur atroce sur le visage qui s’allongea brusquement. Mes dents s’avancèrent s’unifiant avec mes lèvres. Je criais, je suppliais à l’aide mais elle ne réagit pas. En silence, elle me regardait me transformer. Sur les doigts et les mains, des plumes apparurent, mes pieds se changèrent en serres. Je voulus me débattre et sans comprendre la raison, je volais au-dessus de sa tête.

Dès lors, elle ouvrit la porte de la cage. Inconsciemment ou poussé par une force surnaturelle, j’entrai dans cette prison dorée pour me suspendre sur un trapèze en son centre. Je hurlais, criais vociférais mais tout ce qu’on pouvait entendre était des sifflements mélodieux. Ensuite, je sentis un terrible malaise me saisir. Il y avait en mon intérieur un manque insoutenable. La jeune femme attrapa la cage et se remit en marche.

Pendant le trajet, j’observais en gazouillant, espérant me conforter et trouver ce manque qui pesait tant à mon esprit. Elle marcha puis s’arrêta tout-à-coup. Devant nous, une jeune femme se dressait et nous regardait. Elle se pencha pour m’admirer. Elle sourit et prononça quelques mots que je ne compris pas. Puis, elle se releva pour discuter avec un homme qui l’embrassa. Il s’éloignèrent nous laissant sur place et m’abandonnant à une vie de solitude.

Une petite voix dit simplement : « Désolé ». Alors, je compris que ma vie serait incomplète. Je restais agrippé à cette barre fixe. Parfois, je voltigeais pour remuer les ailes puis je retournais à ma tristesse et ma solitude, attendant qu’elle trouve enfin ce qui me manque tant. Elle marcha longtemps sans jamais parvenir à me combler. Elle marcha sans se rendre compte que je mourrais petit-à-petit. Puis, un jour elle s’arrêta lorsqu’elle entendit mon petit corps tomber au fond de la cage. A ce moment, elle ouvrit la porte pour me prendre dans le creux de sa main mais c’était trop tard.

Je me réveillais soudainement. Je sentais encore sur mon cou la chaleur de ses gros doigts. J’avais encore l’impression d’être aux aguets bien que je retrouvais ma forme humaine. Je me levais pour ouvrir les volets. Dehors, le jour se levait dans un silence apaisant. Je restais un moment à observer par la fenêtre la rue vide. Puis, poussé par le froid, je refermais la fenêtre et vis soudain au coin de la rue une jeune femme portant une cage dans la main. Elle regardait dans ma direction avant de disparaitre par magie.

Je descendis ensuite préparer mon petit-déjeuner. Quelques toasts, de la confiture, du beurre, rien de bien folichon. Cependant, en regardant le café couler, je repensais au manque durant mon état d’oiseau. Et ce manque était toujours présent. Il m’avait bouffé au point de subvenir. Je passais le reste de la journée à tenter de l’oublier mais c’était impossible. Alors, depuis, je cherche cette femme et sa cage pour qu’elle m’explique comment me défaire de ce manque.

Alex@r60 – novembre 2020

Publicité
Publicité
Commentaires
A
Votre commentaire me fait plaisir, surtout que vous êtes un des premiers blogs que j'ai découvert sur canalblog. Je suis fan de votre poésie.
Répondre
C
Les rêves sont en cela puissants, qu'ils peuvent nous imprégner d'une réalité à laquelle on ne peut échapper.
Répondre
les écrits fantasmagoriques
  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Pages
Newsletter
Publicité