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les écrits fantasmagoriques
23 avril 2020

Fait de poussière

photo George Pruteanu

Elle sirota son coca à l’aide d’une paille, la tête baissée, les lunettes de soleil utilisées comme serre-tête. Elle ne le regardait pas ni ne l’écoutait. Parfois, elle croisait les jambes ou les décroisait en fonction de son humeur. Car, elle se sentait à la fois, triste, nostalgique et énervée, envahie par une complète lassitude. Pendant ce temps, il parlait fièrement de sa journée de travail. Des discutions trop complexes avec des termes incompréhensibles le remplissait de joie. Il la regardait sans l’observer réellement. Elle faisait réellement parti de ses meubles. Il parlait, parlait et elle, trop fatigué, ne s’embêtait plus à lui faire croire qu’il était captivant ou juste intéressant. Au fond, elle en n’avait  rien à foutre de sa nouvelle promotion ou de son nouveau bureau.

Soudain, elle leva la tête après avoir senti un courant d’air dans le dos. Il était si puissant qu’elle crût à une caresse parcourant les reins jusqu’au cou. Elle frémit et se retourna afin d’être rassurée. De toute façon, jamais son compagnon n’aurait accepté qu’un autre homme ose l’effleurer. Soulagée, elle souffla et reprit sa position initiale pour ingurgiter une lapée de soda au gout de cerise. Tandis qu’il reprenait son baratin, elle se demanda pourquoi elle aimait autant le cherry-coke. Puis, elle se demanda pourquoi elle se demandait ça.

Enfin, elle s’était décidée de  partir, prétextant un mal de crâne. D’ailleurs, elle commençait à se lever lorsqu’elle vit cet étranger assit à la table derrière lui. Son regard avait quelque-chose d’animal et profond. Il était serein, sûr de lui. En fait, il puait le charisme et semblait même briller dans une sorte de  halo bleu. Elle comprit que cette couleur venait d’un reflet de ses yeux couleur piscine. Elle baissa la tête, mais, c’était trop tentant ; alors, elle leva les yeux pour admirer cet homme qui semblait la contempler. Bien qu’il parlât encore, la voix de son ami ne résonnait même plus entre ses oreilles. Elle était définitivement intriguée par cet étrange personnage. Pourtant, il ne semblait pas beau, ni laid. Il était juste naturellement attirant. Elle n’entendit même pas son ami se lever pour aller aux toilettes, gardant les yeux rivés vers ceux de l’inconnu. Elle voulut lui adresser la parole mais n’osa pas. Dès lors, elle pria intérieurement afin qu’il fasse le premier pas, qu’il profite de l’absence de l’autre idiot.

Le beau-parleur hors de sa portée, il sourit montrant une dentition parfaitement alignée et éclatante. Quelquefois, il baissa les yeux afin de jouer le timide. Elle trouva cela charmant. Ensuite, il se leva, juste avant que le serveur ne vienne pour la commande. Il approcha d’elle, et murmura à son oreille qu’elle avait besoin d’autre chose que d’une histoire banale. Alors, en fin d’après-midi, il viendra la rejoindre chez elle, lui demandant de laisser une fenêtre ouverte. Surprise, elle garda la bouche entrouverte, avant de pincer ses lèvres entre les dentes et demander comment il ferait car il ne savait même pas son adresse. Son désir vers lui était si fort, qu’elle n’eût pas l’idée de le rejeter comme elle fait habituellement avec ce genre de malotru. Il répondit simplement : « je vous trouverai grâce à votre parfum »  avant de s’éloigner. Son manteau long l’habillait un peu genre dandy. Elle admira son allure noble ainsi que sa démarche assurée. Elle posa le menton sur la main et soupira, persuadée être en train rêver au prince charmant. Avec son retour, son fiancé la fit atterrir. Alors, elle finit son verre et se leva en même temps que lui. Ils marchèrent un peu avant de se séparer car il prétexta un SMS en urgence pour son travail. Elle ne crut pas cette raison, persuadée qu’il partait rejoindre une autre femme. Enfin, elle espérait qu’il s’agissait de ça afin de se donner bonne conscience.

Durant le reste de la journée, elle passa son temps à penser à cet inconnu. Elle se demanda comment il allait entrer dans son deux-pièces, surtout à cause des murs mansardés. Aussi bien dans la chambre que dans le salon, elle n’avait que des velux. Elle se doutait qu’il mentait, c’était un gars qui voulait s’amuser, une blague de rien du tout. Toutefois, elle imagina son entrée, tel un vampire. D’abord sous la forme d’une chauve-souris, il se métamorphoserait en humain et viendrait l’enlacer dans sa longue cape. Elle ne résisterait pas au baiser de ses lèvres charnues avant d’offrir sa gorge aux veines gonflées de sang. Elle soupira en pensant à ses canines devenues longues et pointues qui pénètrerait son cou laissant un fil rouge couler jusqu’à sa poitrine. A ce moment, elle regarda le vasistas qu’elle venait d’ouvrir et s’allongea sur le plancher, décidée à éteindre avec ses doigts le feu qui prenait entre ses jambes.

Les genoux à moitié pliés, elle releva doucement sa robe jusqu’aux cuisses et entama quelques effleurements. Elle se sentit rougir de honte bien qu’elle fût seule. Lentement, elle titilla son sexe humide de désir. Elle conservait en mémoire le visage de cet inconnu et l’idéalisait au point de l’appeler. Elle ne connaissait rien de lui, pas même son prénom pourtant il devait s’appeler Drystan. Enfin, elle avait en tête, comme un message subliminal parvenu en un éclair, qu’il s’appelait ainsi.

Au début, retenus ses gémissements se firent de plus en plus forts. Elle ne sentit pas la chaleur du soleil caresser la peau de son visage et de ses bras dénudées. Elle ferma les yeux, laissant sa main frotter son entre-jambe. Elle mordit sa lèvre inférieure lorsqu’elle reconnut le même courant d’air de la terrasse de café. Dès lors, elle ouvrit les yeux et remarqua l’anormale luminosité des rayons qui entraient par la fenêtre. Ils étaient chauds et doux ; Ils étaient forts et apportaient une senteur enivrante, ils sentaient le musc et l’or. Tout à coup, elle ouvrit les yeux et découvrit une fine pellicule dorée sur ses vêtements ainsi que sur sa peau. Elle ne comprenait pas l’origine de cette merveilleuse pluie. Puis, elle sentit sur son cou comme une sensible exaltation, un frémissement la parcourait de l’intérieur. Elle ne s’opposa pas bien au contraire. Elle leva les bras et ferma les yeux pour accueillir cette pluie de folie et de désir. La chaleur comblait ses parties sensibles encore mieux que ses doigts. Elle défaillit plusieurs fois, comblée, en pleine jouissance, elle ressentait le désir d’un homme qui, petit à petit, laissait entrevoir son apparence. En effet, entre quelques spasmes, à travers les yeux mi-clos, elle vit sans prêter trop d’attention la pluie d’or qui prenait la forme de cet inconnu rencontré plus tôt. Elle se laissa emporter dans un torrent de passions ardentes, sentant, ressentant délicieusement chaque contact de la moindre particule dorée. Puis, elle s’évanouit, éreintée, exhaussée, heureuse. Elle resta allongée, les mains au-dessus des épaules, un parfum de sexe régnait encore dans la pièce quoi que la lumière de poussière disparût. Il était parti.

Elle se réveilla, se demandant si elle n’avait pas rêvée et reprit le cours de sa vie, en riant de cet interlude légèrement ensoleillé. Pourtant, elle n’oublia pas ce blagueur. Elle espérait même le revoir et pouvoir vivre une réelle aventure. Deux jours plus tard, pendant une promenade dans un marché, un léger courant d’air familier l’entoura doucement. Elle tourna la tête, chercha parmi la foule s’il n’était pas là. Puis, déçu de ne pas croiser son regard, elle reprit son chemin baissant la tête jusqu’à cogner un obstacle imprévu. Elle sursauta en réalisant que c’était lui. Son visage angélique, son sourire à la fois assuré et timide fit frémir ses sens. Elle rougit, passa ses doigts entre ses cheveux pour être certaine de ne pas être décoiffée. Ensuite, elle prononça simplement un petit bonjour à peine audible. Il se contenta de prendre sa main et annoncer qu’il viendrait la rejoindre vers seize heures. Puis, il partit, la laissant muette et légèrement abasourdie. Elle ne quitta pas des yeux son dos et le regarda disparaitre dans la foule. Ensuite, elle continua sa promenade, se demandant pourquoi elle était attirée par cet homme étrange et un peu zinzin, lorsqu’elle regarda la main qu’il avait serrée. Elle était couverte d’une fine couche de poussière d’or.

Alex@r60 – avril 2020

Photo : « Light » par George Pruteanu

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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