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les écrits fantasmagoriques
10 février 2020

Chez le comte

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De tous les personnages les plus farfelus que j’aie rencontré, il était dans le top trois. D’ailleurs, il se présentait toujours sous le titre pompeux de Comte de Saint Germain. Il prétendait être descendant de Casanova, la reine d’Angleterre et du roi de Patagonie ou un nom comme ça. Pour confirmer sa noblesse, il s’habillait d’extravagance avec des chemises en dentelle, des pantalons rappelant les clips de Mylène Farmer. Il organisait même des soirées à thème souvent avec pour sujet le siècle des lumières et le libertinage ; cela se finissait toujours par une communion des corps. Oui, c’était surtout un chaud lapin !

Il m’avait engagé pour retrouver et confirmer ses origines. Il voulait écrire plus qu’une biographie car il voulait mettre en avant ses ancêtres dans des aventures rocambolesques. Cela méritait une tâche ardue. Le rendez-vous eut lieu dans un grand hôtel parisien. C’était aussi bien son bureau que son domicile. D’ailleurs je me suis posé la question au sujet de ses revenus parce qu’il n’hésitait pas à dépenser comme s’il était immensément riche. Quand j’arrivai devant la porte de sa chambre, un maitre d’hôtel vêtu d’une queue –de-pie  ouvrit. Il me demanda de le suivre et proposa de m’assoir dans une salle d’accueil aménagée. C’était une chambre banale avec un grand lit, des fauteuils et une table basse sur lequel reposaient différents magazines. Je trouvai la situation cocasse et ridicule. Déjà assise, une jeune femme attendait en feuilletant des documents. Parfois, elle prenait des notes sur un calepin. Elle leva la tête et répondit timidement à mon salut avant de reprendre ses recherches apparemment passionnantes. Je m’assis deux sièges plus loin tout en regardant le domestique sortir et fermer la porte.

Pour un palace, la chambre semblait très ordinaire voire vulgaire. Je visitai du regard à plusieurs reprises les recoins ainsi que le mobilier banal. De temps en temps mes yeux cherchèrent la jeune femme sérieuse. Elle était belle dans son tailleur, les cheveux tirés en arrière. Je trouvais sa moue jolie quand elle réfléchissait sur un point précis. Je me surpris à essayer de deviner à travers les boutons de son chemisier blanc la forme de sa poitrine. Puis, je réagis en soupirant, me disant que je n’étais qu’un con car je n’avais aucune raison de fantasmer sur une inconnue. En fait, je refusai d’accepter qu’elle m’attirait. Cependant, il régnait une atmosphère étrangement sensuelle car involontairement, elle gratta le haut de sa cuisse, remontant sa jupe ; je pus voir le haut d’un bas offrant une apparence sexy à la scène. Je souris et me tus, me délectant de cette belle image.

Soudain, un cri surgit de la chambre voisine. Nous levâmes la tête et nous regardâmes en comprenant que notre hôte était avec une femme. Elle hurlait, suppliait qu’il continue ou d’arrêter, cela devait dépendre de l’action. Je rougis, elle retint un rire, retournant dans le tas de feuilles posé sur le fauteuil à sa gauche. Je toussais à chaque gémissement de l’amante qui travaillait apparemment ses vocalises. Pour me détacher de leurs ébats, je me penchai pour prendre une revue. Mais je n’y croyais pas… il n’y avait que des livres pornographiques ! Alors, me sentant de plus en plus embarrassé, je me levai et bougeai dans la pièce pendant que la jeune femme me regardait quelques instants avant de retourner dans ses travaux. Je découvris ainsi une coiffeuse dans un coin, caché derrière un fauteuil. Je profitai pour me recoiffer lorsque je vis mon reflet faire un clin d’œil. Je fronçai les sourcils, quoi qu’inquiet, je ne montrai pas ma peur au miroir. Mon reflet fit demi-tour, s’approcha de la jeune femme avant de lui tendre la main pour l’aider à se lever laissant tomber le porte-document sur ses genoux. Je me retournai, elle était toujours en train de travailler tandis que dans le miroir, son reflet enlaçait le mien avant de s’embrasser et se déshabiller. Pendant ce temps, derrière le mur, le comte continuait à faire jouir sa compagne.

Je vis la jupe du reflet glisser le long de ses jambes alors que le mien se dénudait. Puis, ils se regardèrent dans les yeux. Elle effleura ses lèvres avec les siennes, il ferma les paupières au moment où elle agrippa son sexe pour le brandir et l’agrandir. Voir nos reflets faire l’amour, me fit entrer en panique. Je prononçai quelques interjections qui attirèrent la curiosité de la jeune femme. Elle se leva demandant si j’allais bien. Mais après quelques pas, elle s’arrêta net, la bouche ouverte et choquée de se voir dans le miroir en train de me pratiquer une fellation. Elle ne dit rien, laissant ses joues rougir de honte. De mon côté, j’avouai être désolé comme si j’étais responsable alors que je ne maitrisai rien de cette coiffeuse. Nous oubliâmes les cris de débauches et observâmes la scène irréaliste de nos corps s’allongeant pour se caresser sur le lit. De même, nous n’entendîmes pas le maitre d’hôtel entrer. Son toussement nous fit sursauter. Il remarqua le miroir et exprima un simple : « Vos auras semblent s’accorder. Vous pouviez faire comme eux. Le lit est là pour ça ! » Nous ne répondîmes pas à cette réflexion débile et le suivîmes sans attendre empesté vers un salon à l’odeur de sueur.

Le comte attendait gentiment, assis dans un peignoir bordeaux, nous ne rencontrâmes pas la criarde certainement restée dans sa chambre. Il fit les présentations et expliqua que nous allions travailler ensemble. La jeune femme qui attendait avec moi était employée par les maisons d’édition comme nègre pour des auteurs connus. Je racontai mes découvertes, il ne montra aucun intérêt, préférant siroter un whisky tout en regardant d’un œil salace ma future collègue. Puis vint son tour de raconter le scénario de cette biographie romancée. Sa voix douce, sa façon de s’exprimer, son aura ainsi que son parfum… je comprenais pourquoi il bavait. Dès qu’elle finit, il complimenta notre travail et se leva pour nous accompagner jusqu’à la sortie. Ses derniers mots  résonnèrent étonnement dans mon esprit : «D’après les dires de ma coiffeuse, j’ai fait le bon choix en vous prenant ! »

Dans l’ascenseur, nous ne parlâmes pas de l’incident du miroir, ni dans le hall. Nous marchâmes ensemble dans la rue. En voyant un bistrot, je proposai de boire un café afin d’apprendre à mieux nous connaitre. Elle refusa et partit de son côté. Par la suite, nous évitâmes de parler de cette coiffeuse, limitant notre relation au travail dans un malaise visible. Le comte s’en rendit compte, plusieurs fois, il nous invita à venir le voir mais à chaque fois, nous fîmes le nécessaire pour ne jamais être ensemble dans la même pièce que la coiffeuse. Une fois le livre achevé, nous ne nous revîmes plus. La biographie fut un énorme succès pourtant il laissa quelques regrets.

Alex@r60 – février 2020

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  • Mes petits récits et poèmes érotiques et fantastiques ainsi que quelques souvenirs partagés. Bref une vraie petite librairie ou j'espère que tout le monde trouvera un truc chouette à lire
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